L’évocation des bidonvilles s’arrête trop souvent à l’aspect des baraques, faites de matériaux hétéroclites, à l’entassement, aux mauvaises odeurs et aux conditions de vie et d’hygiène déplorables. Le bidonville est, à juste titre, le symbole de la misère sociale en milieu urbain. Cependant, et comme pour la plupart des faits sociaux, ce qui est visible dissimule des mécanismes profonds et des situations beaucoup plus complexes. Il devient alors vital de prendre du recul pour tenter de s’en saisir, surtout si on se donne pour objectif d’éliminer, non pas les seules baraques, mais les causes premières de la genèse des bidonvilles.
Ce livre nous replonge d’abord dans la colonisation en actes, et nous montre comment ce phénomène résulte directement des politiques de peuplement de l’Algérie, de la dépossession des « Indigènes », et de l’application d’un Code de l’Indigénat qui leur refuse la citoyenneté et les droits humains considérés de nos jours comme irréfragables.
Dans ce cas-là, pourquoi les bidonvilles n’ont-ils pas disparu après l’Indépendance ? Ont-ils gardé la forme de la baraque, ou bien ont-ils revêtu d’autres configurations ? Toutes les leçons ont-elles été tirées du passé, comme le recommandaient les textes fondamentaux de la Révolution algérienne, proclamés au lendemain de l’Indépendance ?
Autant de questionnements qui portent aussi bien sur les mutations observées que sur les réponses effectivement adoptées par les autorités, face aux demandes des citoyens qui ont déployé des stratégies multiples pour accéder à l’emploi, aux services et au logement. A-t-on- traité leurs pratiques comme une tentative des familles d’améliorer leur sort, ou bien ont-ils fait l’objet de stigmatisation ? Les politiques appliquées à ces problèmes ont-elles été pertinentes ? Autant de questions lourdes de conséquences selon l’approche qu’on en fait.
Et la réponse au bidonville par le « Bétonville » semble créer, à son tour, plus de problèmes qu’elle n’en résout.
